« S’il n’est pas correctement géré, le changement climatique pourrait mettre en danger non seulement l’environnement mais la prospérité économique… et, plus largement, la paix, la stabilité et la sécurité internationale » estimait le Groupe intergouvernementale sur l’évolution du climat (GIEC) dans son dernier rapport en avril 2014.
L’eau est une ressource naturelle à la base de la vie et une denrée essentielle à la majeure partie des activités économiques de l’humanité. Mais elle est au centre des préoccupations par rapport au futur de notre planète.
3% seulement de l’eau que recèle la planète est de l’eau douce, principalement sous forme de glace. Or, chaque être humain a besoin de 20 à 50 litres d’eau par jour pour boire, faire la cuisine et nettoyer. Les zones humides fournissent cette eau et aident à recharger les nappes souterraines. Cela signifie que la conservation de l’eau est fortement liée à la conservation des zones humides.
Mais malheureusement, le monde arabe connait un déclin certain de ses ressources environnementales et l’eau est parmi les domaines clefs qui sont menacés. Dans la plupart des pays de la région Moyen Orient et Afrique du Nord (MENA par le sigle en anglais), les sources d’eau potable sont détournées, utilisées à mauvais escient ou polluées par des rejets de produits dangereux (égouts, effluents agricoles et autres produits chimiques).
Photo : EvieMaeDavid CC @ flickr
Selon la Banque Mondiale, le changement climatique sera à l’origine d’un scénario qui pénalisera fortement la région MENA, appelée à subir des sécheresses et des vagues de chaleur encore plus prononcées qu’avant.
‘’Avec le réchauffement et, en particulier, le changement des régimes de précipitations, la plupart des pays de la région MENA verront leurs réserves d’eau s’amenuiser tout au long du 21e siècle, les experts tablant sur des pertes supérieures à 15 % pour 2 °C supplémentaires dans les températures moyennes, mais qui pourraient atteindre 45 % si la température augmente de 4 °C’’, affirme la Banque Mondiale.
Une pression immense s’exercera sur les rares ressources en eau, étant donné que la demande augmente plus rapidement que la croissance démographique. L’approvisionnement chutera à cause des changements dans les précipitations et l’intrusion de l’eau de mer dans les réserves d’eaux potables souterraines. Ces phénomènes sont les résultats du changement climatique ainsi que de l’usage excessif des eaux souterraines (51% d’ici 2050). Cette situation risque de mettre les pays du monde arabe au-dessous du niveau de pauvreté absolue en eau, qui se situe à l’échelle de 500 m3 par personne.
Au Maroc, les études menées par les chercheurs de l’École Hassania des Travaux Publics (EHTP) font état de diverses projections relatives à l’impact du changement climatique sur les bassins du Haouz, de la Moulouya, et de Ziz Hriss. Respectant les méthodologies universelles MAGICC et SCENGEN, elles annoncent, à terme, une hausse de température moyenne de 2,2° et une baisse des précipitations de 16%. Pour le bassin versant du barrage d’Hassan Addakhil, les chercheurs de l’EHTP anticipent, à l’horizon 2050, une baisse de 9,7% du volume des eaux collectées.
En Tunisie, après un été 2016 très difficile, ce pays a connu une chute de 30 % dans le taux de précipitations, l’eau se trouve très limitée et cela se voit dans les coupures d’eau, la végétation assoiffée et les barrages vides. Ce manque d’eau influe sur différentes domaines comme l’agriculture qui représente 82 % des demandes en eau et ne répond pas au besoin en eau potable, pour l’usage domestique, industriel ou touristique qui s’élève à 17%.
Les sécheresses sévères à l’Est de la Syrie ont détruit les moyens de subsistance de 800 000 personnes et ont décimé 85% du bétail. 160 villages entiers ont été abandonnés avant 2011.
Victimes du changement climatique. Crédit graphique © Nawaat
L’infrastructure, la détérioration environnementale et les pénuries d’eau dans la bande de Gaza et les territoires palestiniens occupés les rendront inhabitables d’ici 2020.
En Égypte, la productivité économique dans les agglomérations côtières est extrêmement sensible aux élévations du niveau de la mer, dont l’effet serait la disparition de vastes étendues du Delta du Nil.
Un pêcheur en Alexandrie qui peut perdre ses moyens de subsistance à cause du changement climatique et de la pollution. @ Yara Ahmed / Your Middle East
Les changements dans le cycle hydrologique mèneront au déclin de l’approvisionnement en eau douce et à la diminution de la production agricole. La montée du niveau de la mer va inonder et éroder de vastes étendues d’agglomérations côtières, et les périodes prolongées de sécheresse causer des pertes des terres agricoles et de pâturage ainsi que des moyens de subsistance ruraux. Ces effets, assignés de différents niveaux de confiance par le GIEC, sont prévus d’avoir des répercussions importantes sur la « sécurité » hydrique et alimentaire, ainsi que sur la santé et la propagation des maladies.
La rapide perte de biodiversité mondiale est due notamment à des changements dans l’utilisation des terres, à l’utilisation de façon non durable des ressources naturelles, aux espèces exotiques envahissantes, aux changements climatiques et à la pollution. La variabilité et le changement climatique affectent l’avifaune et les animaux de différentes façons – les oiseaux pondent des œufs plus tôt dans l’année que d’habitude, les plantes fleurissent plus tôt et les mammifères sortent de leur hibernation plus tôt que dans les décennies précédentes. Aujourd’hui, environ 23% (1.130 espèces) des mammifères et 12% (1.194 espèces) des oiseaux sont considérés menacés par l’UICN.
Ainsi, il est clair que cette hausse des températures exerce une pression intense sur les cultures et des ressources en eau déjà rares — deux phénomènes qui pourraient accroître la mort, les migrations et les risques de conflit. La question qui se pose alors est de savoir comment assurer un approvisionnement adéquat en nourriture et en eau à court et à long terme, en dépit du déclin des réserves, des menaces du changement climatique, de l’amenuisement des terres arables, des demandes grandissantes de la population et de la pollution croissante.
Il faut sensibiliser les esprits au changement climatique et susciter un appel durable à l’action dans le monde arabe. Les gouvernements de la région MENA sont invités à mettre en place des solutions vertes, réduire leurs émissions de CO2 et protéger durablement les moyens de subsistance et leurs ressources naturelles, en particulier l’eau, face au changement climatique.
Sources :
- Article publié sur The Lancet : “Health and ecological sustainability in the Arab world : a matter of survival”
- La Banque Mondiale
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