Journée internationale de la biodiversité 2016
Intégrer la biodiversité pour le maintien des populations et de leurs moyens de subsistance
La biodiversité est le fondement de la vie et des services essentiels fournis par les écosystèmes. Elle sous-tend les moyens de subsistance des populations et le développement durable dans tous les secteurs d’activité, notamment les secteurs économiques tel que l’agriculture, la foresterie, les activités de pêche et de tourisme. En freinant la perte de biodiversité, nous investissons dans les populations, dans leur bien-être, dans leur vie.
La treizième réunion de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique (CdP 13) qui se tiendra à Cancun, au Mexique du 4 au 17 décembre 2016, portera sur l’intégration de la biodiversité à travers et au sein des ces secteurs, en harmonie avec le thème de la JIB de l’année.
Focus sur la région Méditerranéenne
Rapport Biodiversité: état et tendances des espèces des zones humides méditerranéennes
Réalisé par l’Observatoire des Zones Humides Méditerranéennes (OZHM)
Voir le rapport Biodiversité réalisé par l’OZHM http://bit.ly/1XpACBP
Voir la synthèse Biodiversité (4 p) réalisée par l’OZHM http://bit.ly/1sEJKYh
Pourquoi conserver la biodiversité?
Les espèces fournissent des services fondamentaux sans lesquels l’Homme ne pourrait exister. Seuls des assemblages d’espèces riches et complexes permettent d’apporter les 4 types de services écosystémiques couramment définis :
- les services d’appui (formation des sols, production de matière première…),
- les services de régulation (épuration de l’eau, pollinisation…),
- les services d’approvisionnement (aliments, matériaux de construction…),
- les services culturels non matériels (bien-être, loisirs…).
Bien que ces concepts se soient progressivement répandus dans les réseaux scientifiques et de conservation au cours des dernières décennies, ils ne sont toujours pas suffisamment pris en compte par les décideurs et le monde du développement (OZHM, 2012).
Les espèces sauvages : une ressource vitale
L’Homme utilise quotidiennement de nombreuses espèces végétales et animales provenant des zones humides. En Afrique du nord, plus du quart des espèces de plantes aquatiques sont utilisées par les communautés locales, permettant ainsi d’améliorer considérablement leur quotidien. Ces plantes utilisées pour leurs vertus médicinales, sont exploitées par l’industrie pour en extraire des molécules actives à l’origine des médicaments pharmaceutiques ou d’autres produits chimiques, servent de nourriture pour les humains (Cresson de fontaine, Cyperus esculentus , Iris des marais, menthes) ou le bétail (carex, oseilles, joncs, scirpes, glycéries), sont recherchées dans un but ornemental, pour la vannerie ou comme matériaux de construction (joncs, roseaux et typhas). Parmi ces espèces, plus d’une sur cinq est aujourd’hui en voie d’extinction localement en raison de la perte et de la dégradation des zones humides. C’est par exemple le cas du Lotus bleu, plante aquatique emblématique et très utilisée en Egypte depuis l’époque des pharaons et qui est aujourd’hui sur le point de disparaître d’Afrique du nord. Enfin, rappelons que le commerce des plantes sauvages médicinales est important, le Maroc et l’Egypte figurant parmi les principaux pays exportateurs vers l’UE.
La forme d’exploitation ayant le plus fort poids économique reste cependant la pêche. Il s’agit d’une activité ancestrale dans la région, pratiquée tant pour la subsistance locale que pour le commerce. La production est bien supérieure à un million de tonnes par an dont le quart environ est prélevé directement dans les zones humides (Maitland & Crivelli, 1996; Papacons-tantinou & Farrugio, 2000). La plupart des statistiques ne couvre que les pêcheries maritimes, qui incluent les lagunes côtières. Les lagunes sont exploitées par un nombre important de pêcheurs – plusieurs milliers rien que dans les lagunes du delta du Nil – et représentent donc un pôle économique non négligeable. Le matériel et les méthodes de pêche sont généralement issus d’un savoir-faire traditionnel.
Les espèces les plus recherchées sont des poissons migrateurs – Loup, Daurade, Mulet cabot, Sole commune, Anguille d’Europe – pêchés à l’automne lorsqu’ils quittent les lagunes. Les athérines sont également très prisées localement comme poissons de friture. Beaucoup de pêcheurs complètent leur activité par la pêche des coquillages (huitres, moules, palourdes, tellines) prélevés sur les gisements naturels. Les pêcheries situées sur les zones humides continentales retiennent moins l’attention et seules de rares estimations sont disponibles. Une des raisons est que le produit de ces pêches est destiné à un commerce local. Il s’agit pourtant d’une activité pratiquée sur de nombreux lacs tels que les lacs Kinneret et Prespa où l’essentiel des prises concerne d’ailleurs des espèces de poissons endémiques. La surpêche et la détérioration de la qualité de l’eau ont nui aux ressources halieutiques, entraînant une diminution des activités de pêche ces dernières années. Le cas de l’Anguille d’Europe est, en ce sens, exemplaire. Le recrutement des alevins d’anguille ne représente plus aujourd’hui qu’1 à 5% des effectifs enregistrés avant les années 1980 ! Autrefois abondante et garantissant la prospérité de nombreuses pêcheries de la région méditerranéenne, l’anguille est devenue en 25 ans une espèce en danger imminent d’extinction.
La biodiversité et la santé humaine
Après une phase d’optimisme victorieux, suivant en particulier le développement de la quinine, des traitements antibiotiques et l’éradication de la variole, les dernières décades ont vu l’émergence ou la réémergence de pathogènes affectant les populations humaines ou les animaux domestiques (Daszak et al., 2000 ; Dobson & Foufopoulos, 2001).
Les études s’accumulent, démontrant que la perte de biodiversité animale et végétale a des conséquences directes sur la santé publique car elles sont primordiales pour lutter contre les maladies infectieuses (Chivian et Bernstein, 2008). Une diminution de la diversité des communautés peut favoriser la transmission d’agents pathogènes à l’Homme, en diminuant l’effet “de dilution”. En effet, certaines pathologies sont transmises entre espèces hôtes par un vecteur, c’est-à-dire une espèce qui ne provoque pas elle-même la maladie mais disperse l’infection en transportant les agents pathogènes d’un hôte à l’autre. Parmi les espèces infectées par le vecteur, certaines ne peuvent le transmettre à leur tour : ce sont des espèces “cul de sac” pour le pathogène. Le nombre d’espèces cul de sac augmente avec la diversité des communautés, diminuant ainsi la fréquence de transmission du pathogène à l’homme par “dilution” des vecteurs parmi un plus grand nombre d’hôtes (Gauthier-Clerc & Thomas, 2010). D’autre part, des communautés d’espèces diversifiées réduisent les risques d’implantation d’espèces exotiques. En Camargue par exemple, la présence d’une quarantaine d’espèces de moustiques réduit les risques d’implantation de moustiques exotiques vecteurs de maladies émergentes (chikungunya, dengue, virus du Nil occidental) du fait de la compétition que peuvent exercer les espèces autochtones à leur encontre. Les vastes campagnes de démoustication prévues sur l’ensemble de la région pourraient changer la donne et favoriser la prolifération des moustiques qui transmettent ces maladies (Poulin, 2012).
De nombreuses plantes aquatiques sont utilisées pour leurs propriétés médicinales. Leur utilisation est très commune dans les pays en développement où il n’y a pas toujours d’accès facile aux techniques de la médecine moderne (90 espèces utilisées en Afrique du nord selon Juffe-Bignoli et al., in prep.). Les plantes sont généralement utilisées pour lutter contre les maladies mineures mais aussi pour calmer les douleurs (maux de tête, blessures, crampes d’estomac), comme diurétiques (Mentha spp.), astringents, purgatifs (Rumex crispus), tonifiants, sédatifs, cataplasmes (Persicaria senegalensis), contre les bronchites, les fièvres et les rhumatismes (Céleri sauvage) etc…
Comment conserver la biodiversité des zones humides
Nous avons vu que la biodiversité des zones humides méditerranéennes est sujette à de nombreuses pressions qui ne devraient pas diminuer dans les décennies futures. Afin de diminuer l’impact désastreux qu’entrainerait une perte supplémentaire de biodiversité sur l’Homme et ses activités, il est important que les peuples de Méditerranée et leurs représentants politiques prennent d’avantage de décisions fortes en faveur de leur environnement.
L’interface sciences-politique : des efforts à poursuivre
Les suivis permettent d’alerter en temps réel sur le déclin d’une espèce ou d’une population. Leur importance est donc primordiale pour initier des programmes de recherche qui identifient les causes du déclin ainsi que pour prendre les mesures permettant d’inverser ces tendances. La situation apparaît très différente d’un pays à l’autre : grâce à la présence d’ONG ou d’agences gouvernementales très actives en matière de protection de l’environnement, l’Espagne et Israël ont mis en place de nombreux suivis sur la biodiversité de leurs zones humides. En revanche, faute de structure ou par manque de moyens, les suivis sont trop rares pour établir un état fiable de la biodiversité dans plusieurs pays : Libye, Egypte, Jordanie, Syrie, Bosnie-Herzégovine et dans une moindre mesure Algérie, Tunisie, Turquie, ARY de Macédoine et Serbie. La plupart des activités de suivi sont ponctuelles et dépendantes de financement à court terme. Aujourd’hui, les oiseaux d’eau sont les éléments de la biodiversité les mieux connus. Le reste de la biodiversité (y compris les habitats), les services écosystémiques, la socio-économie doivent être suivis en parallèle pour trouver des solutions durables au déclin des espèces. Enfin, même si les suivis existent, encore faut-il que les résultats soient synthétisés et communiqués aux décideurs, de gros efforts restant à fournir dans ce domaine dans la plupart des pays méditerranéens (OZHM, 2012). Davantage de recherche est également nécessaire pour identifier les indicateurs permettant de réaliser ce transfert d’information ; les indices développés sur les oiseaux par Birdlife International et adaptés à l’échelle nationale en France et en Espagne sont des exemples à suivre.
Partant du constat que les zones humides souffraient d’un manque de popularité, les acteurs du monde de la conservation cherchent de plus en plus à communiquer auprès du grand public. La sensibilisation des citoyens et notamment, des enfants, apparaît primordiale si l’on espère un profond changement d’attitude et de comportement envers la nature. Les associations, les ONG environnementales, la convention Ramsar et MedWet ont particulièrement œuvré dans ce sens au cours des deux dernières décennies, notamment à travers des programmes réguliers d’information et de rencontre, d’événements spéciaux ou encore d’interventions auprès des scolaires.
Plus d’informations
Rapport Biodiversité: état et tendances des espèces des zones humides méditerranéennes
Réalisé par l’Observatoire des Zones Humides Méditerranéennes (OZHM)
Voir le rapport Biodiversité réalisé par l’OZHM http://bit.ly/1XpACBP
Voir la synthèse Biodiversité (4 p) réalisée par l’OZHM http://bit.ly/1sEJKYh
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