SIX NOUVEAUX SITES RAMSAR D’IMPORTANCE INTERNATIONALE EN ESPAGNE: ENTRETIEN DE Mme BERNUES SANZ

Le gouvernement de l’Espagne a désigné six nouvelles zones humides dans la Liste des Zones Humides d’Importance Internationale, faisant de l’Espagne avec un total de 74 sites, le troisième pays avec le plus grand nombre de sites, parmi les Parties contractantes, Les nouveaux sites sont: les Lagunas de Campotejar, Lagunas de las Moreras, Ría de Villaviciosa, Saladas de Sástago-Bujaraloz, Tremedales de Orihuela et Lagunas de Ruidera. Les six zones humides désignées sont localisées à travers toute l’Espagne et sont très diverses, allant de lacs salés saisonniers à un site de haute montagne. Pour plus d’informations sur chaque site veuillez cliquer ici.

En tant que MedWet, nous nous réjouissons de ces nouvelles désignations et nous avons profité de l’occasion pour poser quelques questions sur l’état et l’utilisation rationnelle des zones humides en Espagne à Mme Magdalena Bernués Sanz du Département de la Conservation et de l’Inventaire des Zones Humides, du Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de l’Environnement.

1.    Quels ont été les principaux facteurs qui vous ont amené à choisir ces six zones humides en particulier?

Le territoire espagnol présente une grande variété d’environnements palustres, bien que souvent de petite taille, ils ont caractéristiques hydrologiques et géomorphologiques peu communes avec une présence de plantes rares et de nombreuses espèces animales, endémiques ou menacées. Ils sont également des lieux stratégiques dans les routes de migration de nombreuses espèces d’oiseaux d’eau.

Le choix des six derniers sites inscrits par l’Espagne dans la Liste de Ramsar a voulu être représentatif des caractéristiques de l’héritage espagnol en matière de zones humides et  trois de ces sites (Lagunas de Ruidera, Tremedales de Orihuela y Saladas de Sástago-Bujaraloz) comprennent des types de zones humides peu communes, unique ou très sous-représentées dans la Liste de Ramsar: respectivement un système fluvio-lacustre karstique de tourbières alcalines et des formations de tuf, des tourbières de haute montagne Méditerranéenne et un système de bassins temporaires, hypersaline, endoréiques. Pour ces raisons, tous les sites sont conformes au Critère 1 des zones humides d’importance internationale de Ramsar, en comptant également l’importance internationale des Lagunas de Ruidera, du point de vue hydrologique.

Ils sont aussi particulièrement réputés pour leur valeur dans la conservation de la biodiversité. Dans tous les cas, il y a présence d’espèces et d’habitats menacées, dont certains ont une valeur particulière pour la conservation de certaines espèces d’oiseaux d’eau et de poissons. Ainsi, tous les sites sont aussi conformes au Critère 2, alors certains ont en plus une valeur spécifique par la présence d’espèces d’oiseaux d’eau menacées (Ría de Villaviciosa, Lagunas de Campotejar y Lagunas de Las Moreras), d’autres pour les taxons de la flore (Tremedales de Orihuela, Saladas de Sástago-Bujaraloz, Lagunas de Ruidera), ou les poissons et les invertébrés aquatiques (Lagunas de Ruidera, Saladas de Sástago-Bujaraloz).

Ils hébergent également d’une manière générale, des populations et des habitats en très bon état et présentant un intérêt particulier avec une présence importante de taxons endémiques (tous sauf deux sont conformes au Critère 3 de Ramsar), deux des sites (Lagunas de Campotejar et Lagunas de las Moreras) sont particulièrement importants pour la conservation de la population de l’Erismature A Tête blanche (Oxyura leucocephala) à l’ouest de la Méditerranée, en maintenant plus de 1% de la population estimée de l’espèce (Critère 6 de Ramsar). Enfin, il faut noter que les Lagunas de Ruidera en hébergeant également des populations très diverses de poissons endémiques, font que pour la première fois le critère 7 de Ramsar a été appliqué en Espagne.

2.    Selon vous, quels changements les désignations Ramsar vont-t-elles apporter aux six sites en termes de gestion et de protection globale?

Dans le cas de l’Espagne, le processus progressif d’intégration des zones humides dans la Liste de Ramsar qui s’est développé ces dernières années (en 1992 il y avait 26 zones humides espagnoles dans la Liste de Ramsar, elles sont 74 en 2012) a été utilisé à grande échelle pour augmenter la «visibilité» de ces sites, pour améliorer la perception de l’importance de ces sites non seulement pour le grand public, mais surtout pour le secteur politique. Cela a été d’une importance fondamentale, car en plus de permettre l’élaboration d’une législation nouvelle et mieux adéquate pour la planification, la conservation et la gestion des zones humides, a facilité l’augmentation des budgets destinés pour la gestion durable de ces espaces, et amélioré les flux financiers à la fois publics et privés.

3.    Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’utilisation rationnelle et la politique de protection des zones humides en Espagne?

En principe, en Espagne, les orientations de base relatives à la conservation et à la protection des zones humides, de leurs espèces et leurs habitats, sont établies par la Loi Fondamentale 42/2007 du patrimoine naturel et la biodiversité. Mais il est également vrai qu’il ya beaucoup d’éléments qui se réfèrent et affectent la conservation de nos zones humides, et qui sont dispersés dans les autres politiques sectorielles (par exemple dans la politique de l’eau). En outre, il est connu que la répartition des pouvoirs dans le cas de l’Espagne est unique et tout à fait décentralisée (gouvernements de régions, Comunidades Autónomas, qui possèdent la plupart des compétences de gestion des terres). Donc, dans notre pays, il ya beaucoup de règles juridiques et de nombreuses administrations différentes qui traitent des zones humides, ce qui en théorie peut causer un dysfonctionnement et un manque de coordination.

Pour éviter ces conséquences, il ya longtemps que l’Espagne a créé le Comité Espagnol des Zones Humides, un instrument extrêmement technique avec des représentants de tous les niveaux administratifs ayant des intérêts dans ce domaine. Il s’agit donc d’un processus de consultation collégiale et de la coopération entre les administrations, dont le rôle est «de coordonner les actions en matière de conservation des zones humides, en particulier celles découlant de la mise en œuvre de la Convention de Ramsar», tel que spécifié par l’arrêté royal de la création (1994) qui, au fil des ans, est devenu un outil indispensable pour la coordination. Dans la pratique, l’objectif ultime de la Commission est de faciliter les tâches de coordination des actions sur la gestion rationnelle des zones humides qui ont lieu dans le pays, et de s’assurer que ces actions sont conformes à l’esprit de la Convention Ramsar. Tout ceci a contribué grandement ces dernières années, à la conservation des zones humides espagnoles.

L’une des premières actions du Comité Espagnol des Zones Humides a été le développement du « Plan stratégique pour la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides espagnoles » un document technique de consensus entre toutes les administrations publiques et les secteurs sociaux impliqués, qui était essentiel pour assurer leur efficacité. Depuis l’époque de son adoption (1999) il a constitué le cadre d’intégration d’outils pour toutes les politiques sectorielles et les mesures administratives qui coordonnent et contrôlent la multitude d’actions cohérentes de la conservation et l’utilisation rationnelle de ces écosystèmes précieux, devenant par conséquent l’outil technique de base pour la mise en œuvre de la politique de protection des zones humides en Espagne.

4.    Cette année la Journée Mondiale des Zones Humides (JMZH) avait pour thème “les zones humides et le tourisme”. Que pouvez-vous nous dire sur l’état du tourisme des zones humides en Espagne et les avantages et les inconvénients qu’il apporte ?

L’Espagne est un pays leader dans le secteur du tourisme, et bien que le soleil et la plage demeurent les plus attirants, il est indéniable que ces dernières années, le tourisme de nature est en plein essor, aussi que le tourisme lié aux zones humides: les statistiques montrent que le nombre de visiteurs sur nos zones humides les plus connues (Doñana, Delta de l’Ebre, etc) est en augmentation année après année, incluant à la fois le grand public et les spécialistes. De toute évidence, cela a créé des opportunités (bénéfices économiques, prospérité locale, création d’emplois …), mais constitue également un défi majeur, notamment en termes d’environnement, compte tenu de la difficulté inhérente à développer un tourisme véritablement durable. À mon avis, la plupart des zones humides espagnoles les plus visités sont emblématiques et bénéficient de la protection légale maximale disponible en Espagne (parcs nationaux, réserves naturelles, etc.). Ils sont actuellement le développement d’un tourisme pilote relativement équilibré e aussi  parce que l’utilisateur (touristes) l’exigent, mais il est clair qu’il ya eu des exceptions, en particulier dans les sites anciens développé touristiquement, avec des exemples très malheureux en termes environnementaux.